Dans un arrêt historique, la Chambre des Comptes du Cameroun se déclare compétente pour sanctionner les fautes de gestion des ordonnateurs

Dans un arrêt de principe, rendu le 15 février 2024, la Chambre des comptes du Cameroun, siégeant en formation des sections réunies, s’est déclarée compétente à connaitre de la sanction de la faute de gestion des ordonnateurs.

En tranchant cette question, née du conflit des lois, l’institution supérieure de contrôle s’affirme comme le seul organe compétent en la matière au Cameroun, à l’exclusion de tout autre organe administratif, notamment le Conseil de Discipline budgétaire et financière (CDBF) rattaché aux services du Contrôle supérieur de l’État (Consupé).

Avant la réforme de la gestion des finances publiques du 11 juillet 2018, la sanction des fautes de gestion commises au Cameroun par les ordonnateurs et autres gestionnaires publics relevait de la compétence du CDBF, organe administratif rattaché au Consupé, administration relevant elle-même de l’autorité directe du Président de la République.

La loi portant régime financier de l’État du 11 juillet 2018 a transféré cette compétence à la juridiction des comptes, pour se conformer aux standards internationaux et aux directives communautaires. C’est en application de ces nouvelles dispositions que la Chambre des comptes a été saisie d’une dénonciation de mauvaise gestion visant le Maire et le Receveur municipal de la Commune de Ngomedzap.

La contestation, par les mis en cause, de la compétence de la Chambre des comptes a donné l’opportunité à la juridiction de rendre une décision historique et d’apporter des clarifications utiles aux nombreuses interrogations suscitées par la réforme du 11 juillet 2018 en la matière.

Sur la question d’un éventuel conflit de loi et de compétence entre le CDBF et la Chambre des comptes, la juridiction financière a apporté une réponse sans équivoque dans son arrêt en affirmant : « que l’exclusivité du contrôle juridictionnel des entités publiques et autres entreprises publiques étant constitutionnellement dévolue à la Chambre des comptes, la sanction des irrégularités et fautes de gestion ressortit logiquement de la compétence de cette juridiction ». Il découle de l’analyse de la Chambre des comptes que le CDBF ne saurait conserver sa compétence en matière de sanction de la faute de gestion. L’institution supérieure de contrôle du Cameroun confirme ainsi, avec force, sa compétence exclusive en matière de sanction juridictionnelle des fautes de gestion.

Il s’agit là d’une décision historique qui marque une évolution importante dans le fonctionnement de la Chambre des comptes du Cameroun et dans l’application du dispositif de redevabilité des gestionnaires publics. Jusque-là confinée au contrôle juridictionnel des comptes des comptables publics, la Chambre des comptes confirme, par cet arrêt, l’élargissement de son champ de compétences et de ses justiciables. De bon augure pour l’avenir de cette jeune institution supérieure de contrôle, qui bénéficie d’un accompagnement particulier de l’Aisccuf.